
Au cinéma, il existe bon nombre de films où les enfants tiennent un rôle inquiétant, en particulier dans le cinéma fantastique. Comment oublier les charmantes têtes blondes du
Village des damnés? S’inspirant entre autres* des visions du jeune garçon dans Shining, Van Hamme créé pour la série Thorgal le personnage d’Alinoë. Alinoë est un garçon aux cheveux verts sortant de l’imagination du fils de Thorgal qui grâce à ses pouvoirs paranormaux parvient à donner chair à cette vision. Mais il ne maîtrise pas encore ses pouvoirs, si bien qu’Alinoë, après avoir été le copain de jeu qui lui manquait, échappe à son contrôle et met sa vie ainsi que celle de sa mère en danger. Soyons justes avec Van Hamme, comme dans la plupart des albums de Thorgal de cette époque, il s’en sort très honorablement, aidé par un Rosinski alors au mieux de sa forme.
Mais s’il est plaisant de voir des monstres aux corps d’enfants, la transgression suprême est de voir de véritables enfants totalement dégagés de toute contrainte morale et se comporter en véritables monstres. Le comportement psychopathe peut prendre alors chez les enfants des allures d’espiègleries totalement jouissives pour le spectateur ou le lecteur. Par exemple, dans
le bon Fils (1993), Elijah Wood et Macaulay Culkin interprètent deux enfants aux caractères radicalement opposés. Le film n’est certes pas un chef d’œuvre mais malgré une fin très moralisatrice, il comprend quelques grands moments de cruauté et d’immoralité. Ainsi, Culkin après avoir volontairement provoqué un grave accident de la route s’explique avec Wood qui critique sévèrement son acte et le fait de l’avoir rendu complice:
"Henry (Macaulay Culkin): I feel sorry for you, Mark. You just don't know how to have fun.
Mark (Elijah Wood): What?
Henry: It's because you're scared all the time. I know. I used to be scared too. But that was before I found out.
Mark: Found out what?
Henry: That once you realize that you can do anything... you're free. You can fly. Nobody can touch you... nobody. Mark... don't be afraid to fly.
Mark: You're sick...
Henry: Hey, I promise you something amazing, something you'll never forget. Where's the gratitude?"Culkin est donc une sorte d’esthète qui a déjà une véritable réflexion sur le bien et le mal. En cela, il va plus loin que Rhoda** dans
La mauvaise graine (1956) de Mervyn Leroy qui ne tue que par avidité. La grande question du film est aussi de savoir si elle a hérité d’un "gène du meurtre" de sa grand-mère. Le raffinement de Rhoda réside moins dans son esprit (évidemment c’est une fille!) que dans son aspect. C’est une petite fille irrésistible, dans tous les sens du terme. Elle est jolie, coquette, polie et sait obtenir ce qu’elle veut des autres. Quand elle n’y parvient pas par ses sourires, elle élimine sans remords la personne qui se trouve entre elle et la babiole convoitée. Il n’y a pas de détournement de mineurs dans La Mauvaise graine mais clairement le détournement de références culturelles. Par exemple, les claquettes, qui appartiennent au monde joyeux des comédies musicales deviennent instrument de mort. De plus, l’utilisation de la musique rappelle celle qui est faîte par Fritz Lang dans M le maudit, le tueur d’enfants. Elle est associée au personnage principal et comme on associe "Peer Gynt" au film de Fritz Lang après l’avoir vu, on fait de même pendant un moment avec Au clair de la Lune*** pour la Mauvaise graine. En dehors de cet usage on ne peut plus cinématographique de la musique, la mise en scène et le jeu de quelques acteurs sont assez théâtraux. Toutefois ça tient en bonne partie d’un parti pris artistique du réalisateur et le salut des acteurs aux spectateurs à la fin du film est là pour le confirmer. Le film qui -rappelons le- date de 1956 ne va pas jusqu’à montrer Rhoda commettre ses crimes mais le récit dépourvu de tout sentiment de culpabilité qu’elle en fait à sa mère n’en est pas moins glaçant! Enfin, certains dialogues sont très bien sentis dont un entre Rhoda et le jardinier, un raté fortement névrosé qui lit pourtant clairement dans le jeu du petit monstre.
"Jardinier: Vous connaissez le bruit de la chaise électrique? Ca fait "ziiit". Et le courant vous grille les cheveux. En une seconde, comme un éclair. "ziiit!"
Rhoda:On ne condamne pas les petites filles à la chaise électrique…
Jardinier: Mais si! Il y’en a une bleue pour les petits garçons et une rose pour les petites filles!"Hasard? En tout cas, transition parfaite car Mauvaise graine, est le titre d’un pilote d’un projet de long métrage d’animation de Stéphane Blanquet. Le sujet du pilote semble assez éloigné du film de Mervyn Leroy mais le reste de l’œuvre de Blanquet regorge d’enfants "diaboliques". On citera par exemple la Vénéneuse aux deux éperons****, album où des enfants commettent des actes particulièrement sordides. Il y a chez Blanquet un vrai plaisir à perturber le lecteur en fouillant au plus profond de l’ âme humaine pour en ressortir ce qu’il y a de plus dégueulasse. C’est d’autant plus inquiétant qu’il n’y a par contre peut être pas beaucoup à chercher pour tomber sur ces dégueulasses. C’est votre voisin, c’est vous, c’est moi! Ah ah ah! Bon…
Un autre qui aime bien rigoler c’est Tommy. Mais les autres n’ont pas l’air d’apprécier ses blagues. A leur décharge, il faut dire que c’est difficile de rire avec la tête explosée au pistolet laser. Voici donc (enfin!) pour conclure ce panorama non exhaustif des enfants diaboliques, l’histoire du facétieux Tommy:
Bad Tommy
Creepy 94 de 1978
Scénario : Roger MacKenzie et Nicola Cuti
Dessin : Martin Salvador





*Je pense notamment à “the boys with green hair”. Dans une des dernières scènes, le garcon aux cheveux verts est poursuivi par d’autres garçons tous "normaux". Dans Alinoë et toujours vers la fin, Jolan, qui lui est normal est poursuivi par une multitude d’Alinoë aux cheveux verts. Raisonnement peut être un peu tiré par les cheveux...
**photo de Patty McCormack dans le costume de Rhoda lors d’une séance de photo pour sa nomination aux Oscars de 1956.
*** évidemment une chanson non américaine!
**** prix baraqueàfritz de la meilleure bd de 2007