dimanche 30 mars 2008

En rouge et noir

La bichromie a souvent servi de compromis entre l'économique Noir&Blanc et la plus coûteuse quadrichromie. Contraints de travailler en Noir&Blanc, certains grands dessinateurs comme Jose Munoz en ont exploités toutes les ressources et réussis à imposer des styles auxquels l'apport de couleur s'avère inutile voire déplacé. Cette créativité née des contraintes de publication est moins frappante pour la bichromie, sûrement parce qu'elle est moins courante. Toutefois on trouve dans cette courte bd de Carlos Trillo et Alberto Breccia une utilisation intéressante de la bichromie comme élément artistique et narratif. Parue dans le numéro 8 de la revue argentine Fierro (avril 85), elle est l'adaptation de la Gallina Degollada, une nouvelle de l'écrivain uruguayen Horacio Quiroga. Pour l'anecdote, on peut grâce à internet, s'amuser à visiter la maison de Quiroga et constater l'affichage des pages de Breccia bien qu'elles soient postérieures à la mort de Quiroga.





dimanche 9 mars 2008

Blanc de peur

Image Peur du Noir Mi février est sorti le dessin animé Peur du Noir. Il s’agit d’un film collectif composé de séquences de Blutch, Charles Burns, Marie Caillou, Pierre Disciullo, Lorenzo Mattotti et Richard Maguire. Pour assurer la cohérence du projet et gérer les égos, la direction artistique a été confiée à Etienne Robial. Si ce n’est pas la claque attendue, ça reste au dessus ou au moins suffisamment en marge de ce qui fait habituellement dans les longs métrages d’animation pour valoir le coup d’oeil. Toutefois, et au risque de passer pour un grincheux, je me dois de signaler que Robial a réutilisé la même typographie pour l’affiche du film que celle dont il s’était servi pour l’émission "Ca se discute", que l’animation des personnages de la séquence de Charles Burns me rappelle celle de Bill dans le Big Deal et que la succession d’interrogations de Pierre Disciullo lues par Nicole Garcia sont plus agaçantes qu’autre chose. Caillou, Mattotti et dans une moindre mesure Blutch rendent une copie satisfaisante mais la meilleure séquence est de loin celle de Richard Maguire et Michel Pirus. C’est la seule qui joue et se joue vraiment habilement de la contrainte de départ : faire un film en noir et blanc autour de la peur du noir. On ne peut pas dire qu’on a peur mais on frissonne parfois. De mémoire, un personnage est dans une maison isolée à l'abris du froid et de la neige. Baignant preque dans le noir complet, le personnage entame sans le vouloir un inquiétant jeu sur le noir et le blanc dont il sera la victime. Le noir est tout ce qui n’est pas visible et donc potentiellement dangereux. Le blanc, qui est ce qui est visible, devrait rassurer mais suscite aussi l'angoisse car en plus de révéler des choses encore plus inquiétantes que ce à quoi on pouvait s'attendre, il accentue l'angoisse par sa fragilité et les faux semblants qu’il créé par l'éclairage partiel d'objets anodins prenant des aspects trompeurs et menaçants. Dans une certaine mesure ce sketch me rappelle la version d’Alberto Breccia du Cœur révélateur d’Edgar Poe au noir et blanc tout aussi radical. L’œil blanc du vieil homme qui obsède tant le meurtrier n’est certes pas l’objet d’une mauvaise vision mais d’un délire de ce dernier qui y voit tout de même plus que ce qu’il faudrait y voir. Notons enfin qu’il existe une version animée du Cœur Révélateur datant de 1956 narrée par James Mason. Elle est en couleurs mais pas une n’est de trop pour magnifier la noirceur de cette histoire.

jeudi 6 mars 2008

Le diable hors de sa boîte

Mister Hyde de Alfons Figueras Dans le prolongement de mon billet "Kids just want to have fun", laissez moi vous présenter "Mister Hyde : un beau petit diable", un grand gamin facétieux créé par l'Espagnol Alfons Figueras (1922-ça devrait pas tarder). Mister Hyde est une sorte de cousin éloigné de la famille Addams avec une filiation graphique du côté de Georges Herriman. Ce beau petit diable est un blagueur et la première blague qu’il m’ait faite est de me tromper sur son âge en se faisant passer pour un personnage de quelque vieux strip oublié de la première moitié du XXème siècle. Ce strip date pourtant des années 80. A priori, il n’y a pas de volonté de l’auteur d’induire en erreur. C’est tout simplement le style d’un dessinateur né au début des années 20 et qui n’a que peu changé depuis ses débuts et sa découverte de la bd américaine.

Ces près de 90 strips compilés chez Vaisseau d’Argent sont souvent drôles quoiqu’un peu répétitifs. Mais ça passe quand même car il se créé une connivence entre le lecteur et Mr Hyde qui l'associe à ses farces en lui jetant des regards complices. Mr Hyde c’est finalement le petit diable qui sommeille en chacun de nous mais qu’on préfère cacher (hide, hid, hidden!). Il s’en prend sans discriminations aux riches, aux pauvres, aux ouvriers, aux animaux et même aux enfants. Et fait appréciable, souligné justement par Christian Godard dans sa préface, il n’est jamais puni! La bd elle-même est une sorte de format à l'italienne pas complètement assumé car la couverture n'est pas dessinée dans le même sens que les strips.









prix conseillé: 5 euros