dimanche 9 mars 2008

Blanc de peur

Image Peur du Noir Mi février est sorti le dessin animé Peur du Noir. Il s’agit d’un film collectif composé de séquences de Blutch, Charles Burns, Marie Caillou, Pierre Disciullo, Lorenzo Mattotti et Richard Maguire. Pour assurer la cohérence du projet et gérer les égos, la direction artistique a été confiée à Etienne Robial. Si ce n’est pas la claque attendue, ça reste au dessus ou au moins suffisamment en marge de ce qui fait habituellement dans les longs métrages d’animation pour valoir le coup d’oeil. Toutefois, et au risque de passer pour un grincheux, je me dois de signaler que Robial a réutilisé la même typographie pour l’affiche du film que celle dont il s’était servi pour l’émission "Ca se discute", que l’animation des personnages de la séquence de Charles Burns me rappelle celle de Bill dans le Big Deal et que la succession d’interrogations de Pierre Disciullo lues par Nicole Garcia sont plus agaçantes qu’autre chose. Caillou, Mattotti et dans une moindre mesure Blutch rendent une copie satisfaisante mais la meilleure séquence est de loin celle de Richard Maguire et Michel Pirus. C’est la seule qui joue et se joue vraiment habilement de la contrainte de départ : faire un film en noir et blanc autour de la peur du noir. On ne peut pas dire qu’on a peur mais on frissonne parfois. De mémoire, un personnage est dans une maison isolée à l'abris du froid et de la neige. Baignant preque dans le noir complet, le personnage entame sans le vouloir un inquiétant jeu sur le noir et le blanc dont il sera la victime. Le noir est tout ce qui n’est pas visible et donc potentiellement dangereux. Le blanc, qui est ce qui est visible, devrait rassurer mais suscite aussi l'angoisse car en plus de révéler des choses encore plus inquiétantes que ce à quoi on pouvait s'attendre, il accentue l'angoisse par sa fragilité et les faux semblants qu’il créé par l'éclairage partiel d'objets anodins prenant des aspects trompeurs et menaçants. Dans une certaine mesure ce sketch me rappelle la version d’Alberto Breccia du Cœur révélateur d’Edgar Poe au noir et blanc tout aussi radical. L’œil blanc du vieil homme qui obsède tant le meurtrier n’est certes pas l’objet d’une mauvaise vision mais d’un délire de ce dernier qui y voit tout de même plus que ce qu’il faudrait y voir. Notons enfin qu’il existe une version animée du Cœur Révélateur datant de 1956 narrée par James Mason. Elle est en couleurs mais pas une n’est de trop pour magnifier la noirceur de cette histoire.

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