dimanche 13 janvier 2008

Des cabinets au cabinet de curiosités

Dessin de Fletcher Hanks J’ai quelques bd bizarres dans ma bibliothèque. La plupart le sont délibérément. Pour d’autres, je n’en suis pas certain. Le cas le plus radical est celui d’un certain Fletcher Hanks dont la sortie d’un recueil de quelques unes de ses histoires publiées au début des années 40 pousse certains à le rattacher à l'Art brut. Moins radicalement, les premiers albums de nouveaux auteurs contiennent parfois une originalité qui se dilue un peu par la suite dans une plus grande connaissance du dessin et du langage de la bande dessinée. Je suis par exemple un grand admirateur d’Alex Varenne mais mon album préféré reste le tome 1 de Ardeur qui demeure le travail d’un Varenne presque débutant.
Moins connus que Varenne, Jose Abel et Frederic Charpier ont sorti dans les années 80 Brian et Alves, une série en deux tomes (en 1984 et 1989) ayant pour cadre la révolution russe dont le premier tome avait été prépublié dans Métal aventures. Brian et Alves sont deux aventuriers à la recherche d’un trésor et composant comme ils peuvent avec des évènements qui ne les concernent pas a priori. A série inconnue, auteurs inconnus donc je n’ai pratiquement rien trouvé sur les auteurs en plus des courtes biographies se trouvant dans le tome 1. On y apprend tout de même que Jose Abel est un dessinateur portugais ayant déjà une sérieuse expérience dans l’animation (Heavy Metal, les Maîtres du temps) et que Brian et Alves est sa première bande dessinée. C’est aussi le cas de Charpier, journaliste, qui publie des livres encore aujourd’hui. Le dessinateur Li-An leur consacre un billet sur son blog dans lequel un intervenant affirme que Jose Abel est mort deux ans après la sortie du tome 2. Je n’ai en effet pas trouvé de trace plus récente d’Abel qu’une participation à l’album collectif Transports Fripons datant de 1992.
Bref, Brian et Alves reste un petit ovni isolé et oublié. Ovni car le dessin d’Abel est un mélange improbable entre Enki Bilal et le style cartoon qui comprend son lot de déformations comiques des corps et des visages. La narration n’a par contre rien à voir avec Bilal. L’action, le mouvement, les gags et la multiplication de petites vignettes sont préférés aux grandes cases contemplatives. Par l’utilisation de plus en plus importante de hachures au cours du premier tome, jusqu’à l’emploi dans le second de couleurs rappelant celles de la Croisière des oubliés, la ressemblance avec Bilal est de plus en plus flagrante et accentue par conséquent le caractère singulier et étonnant de cette série. Plus complètement amateurs mais pas complètement pros non plus, Abel et Charpier concluent donc avec ce tome 2 une série qui ravira les amateurs de curiosités. Ne vous attendez pas à une rigueur scénaristique digne d’un Alan Moore, loin de là. Les rebondissements se succèdent comme dans un feuilleton mais au détriment de la cohérence de l’ensemble. Mais c’est peut être aussi ce qui fait le charme de cette série.

une planche du tome 1 et une du tome 2:


prix conseillé pour chaque tome: entre 5 et 6 euros

3 commentaires:

Li-An a dit…

Comparer le dessin à du Bilal me semble un peu insultant (je ne dirai pas pour qui :-)). Mais ce n'est pas non plus faux alors du coup je reste perplexe. Inspiration commune ou réel coup de chapeau.

François a dit…

A mon avis, c'est consciemment inspiré par Bilal. Bilal c'était une des grosses références de l'époque, en tout cas pour quelqu'un venu de l'extérieur de la bd comme Abel (de l'animation). Mais bon, ce ne sont que des suppositions. ;-)

Li-An a dit…

Malheureusement, on ne pourra plus lui demander.